C’est mon témoignage, juste ça, mais quand même, je suis sûre que d’autres auraient pu l’écrire.
J’aimerais vous raconter comment j’en suis venue à ne plus suivre une éducation traditionnellement stricte avec mes enfants. Vous allez voir que ce n’était pas pour devenir une « maman parfaite et bienveillante ».
Je suis devenue maman en 2012, d’un garçon qui, dès les premières heures de vie, a montré à tout son périmètre qu’il avait de la voix, beaucoup, souvent et très forte la voix, oui vraiment forte. On allait pas l’oublier dans un coin.
Je me souviens encore, à la maternité, il n’avait que quelques heures de vie extra-utérine, et je l’emmenais dans la salle commune pour la pesée et le bain du jour. A ce moment là, il s’est mis à hurler si fort, que les puéricultrice en ont été soufflée. Moi, je n’étais qu’une toute fraiche maman et c’est leur étonnement qui m’a surprise et alertée. Apparemment ce n’était pas très habituel de voir un bébé pleurer si fort!

» J’allais faire comme l’image que j’avais des autres familles que j’avais côtoyé : mon bébé allait rapidement se plier à mon quotidien et j’allais l’habituer en deux coups de cuillères à pot à respecter les règles et les limites, et pas qu’un peu. «
Pas grave, moi j’étais absolument con-vain-cue que mon fils allait être un bébé qui se plierait rapidement aux règles et à nos habitudes. J’avais bien l’intention que ça file droit. J’avais même pas à réfléchir, c’était net: j’allais faire comme l’image que j’avais des autres familles que j’ai côtoyé: mon bébé allait rapidement se plier à mon quotidien et j’allais l’habituer en deux coups de cuillères à pot à respecter les règles et les limites, et pas qu’un peu.
Alors je m’y suis attelée. A fond, parce que quand un truc me pique et devient mon objet d’attention, je le fais à fond, j’y mets tout, les tripes, la sueur, toute la sauce.
Il devait dormir dans son lit, il devait s’endormir partout,il devait pouvoir patienter sans mes bras, s’occuper seul, être gardé par d’autres et il devait suivre le même rythme chaque jour. C’est tout.
J’ai donc fait un plongeon.
Je suis tombée de 100 étages et arrivée au sol, j’étais éclatée, vidée je vous dis.
Pourquoi? Ben parce que ce que j’avais prévu ne s’était pas du tout été réalisé, même pas un peu, ni même un poil de cul, rien, c’est une toute autre histoire que j’ai vécu.
Mon fils hurlait 3 secondes après qu’on le pose hors de mes bras. Il ne dormait pas dans son lit, il y pleurait. Il ne s’endormait qu’après avoir pleuré 2h et on revivait tout ça à chaque réveil nocturne (réveils qui étaient nombreux bien sûr).
Il a grandit, et je me suis acharnée encore à l’endormir aux même heures, quelque soit l’endroit. J’avais dans l’idée qu’il fallait le faire plier le plus tôt possible pour que tout devienne plus vite facile. Tant qu’à galérer, j’espérais que ça ne durerait qu’un temps court, juste le temps qu’il assimile comment est la vie.
J’ai passé des soirées entières chez des amis ou la famille, dans une chambre avec un bébé qui pleurait et moi qui m’obstinait à le forcer à dormir.
J’ai bu ni mojito ni cidre à la goyave pendant ces soirées. Je faisais des aller retour, pour le remettre allonger dans ce satané lie parapluie dans lequel il ne voulait pas dormir. Il pleurait, il n’y avait absolument rien à faire. Il pleurait et c’est tout, il n’avait pas l’intention de s’arrêter tant qu’il n’était pas écouter.
Il grandissait et mon épuisement aussi. Il a alors acquis la marche et donc il y a eu encore plus de contextes propices aux difficultés. Il avait accès à beaucoup plus de choses dans son environnement, et en plus de pouvoir se déplacer partout, il savait de plus en plus communiquer, et développait plus de capacité à avoir des envies et des demandes. Cette phase est devenue vraiment compliquée pour la maman qui tenait encore, coute que coute, à ce qu’il assimile les bonnes manières.
Et là, le regard des autres a fini de m’achever je crois.
Parce qu’il fallait que je le cadre, qu’il m’obéisse et qu’il se plie aux règles, plus encore maintenant qu’il savait marcher et qu’il grandissait. A les entendre, c’était maintenant ou jamais, après j’allais être foutue, je crois qu’il allait me manger toute crue, ackiparait.
J’ai testé de le mettre au coin, de le gronder, de faire les gros yeux, de maintenir mes fameux « non » et les limites associées.
Je me souviens d’un jour, mon fils avait un peu plus d’un an, nous étions chez ma mère, il y avait des amis. Mon fils avait refusé d’arrêter de toucher à certaines affaires qui étaient dans le salon. Il y retournait constamment malgré notre opposition. J’essayais tant bien que mal lui faire stopper ce comportement, et, j’avais sur moi tous les regards des personnes présentes. Un de nos amis nous a dit « ah ben, oui mais il faut qu’il comprenne ».
J’ai donc pris mon fils par le bras et je l’ai emmené dans un coin, à l’écart. Je lui ai dis de ne pas bouger de là. Honnêtement, avec le recul, je sais que je ne le faisais que pour le regard des autres, je n’avais aucune conviction dans ce genre de stratégies parentales. Mais j’ai insisté, et insisté pour qu’il reste dans ce fichu coin. Rien à faire, mon fils refusait. C’était catégorique.
De tous ces moments de confrontations, j’espèrais qu’il se rebellerait de moins en moins et qu’enfin, nous aussi nous réussirions aussi bien que les autres parents le prétendaient.
Foutaises, mon fils ne lâchait rien, même pas une miette. Dans ces moments de rapport de force, il était au bout du rouleau. Épuisé, et paumé. Et moi aussi.

Je comprendrais bien plus tard que les parents que je côtoyais et tout ceux qui se targuaient de savoir gérer leurs enfants, galéraient autant que nous, et que toute cette image d’enfants « bien élevés » c’était du flan.
Et puis un jour, j’ai tout stoppé.
J’ai arrêté de me calquer à ces attentes sociétales de limites et de cadres arbitraires. J’ai arrêté de croire sur paroles des habitudes culturelles que l’on disait fonctionner alors qu’au final, à part le point de vue des parents, je n’avais rien.
J’ai choisi les miennes de limites et celles de mon fils. Je vous le dis, on en a (à une patate près) , 10 mille fois moins que la société française.
On s’est allégé d’un truc, je vous dis pas. J’ai pris le menhir que tout le monde me fourrait sur le dos et je leur ai mis bien profond, histoire de revivre un peu.
Je me suis recentrée sur ce que je ressentais, ce que mes tripes me hurlaient et ce que mon fils me disait aussi. T’en qu’à faire, je l’ai écouté, pour changer de ce qu’on me disait.
Parce qu’en fait, moi j’en avais rien à péter de l’endroit où mon fils mangeait (par terre, dans la douche).
Ni de l’heure à laquelle il avait faim, ni de l’endroit où il voulait dormir.
Ni qu’il ne dise pas encore bonjour ou merci ou moncul à 4 ans (il dira les mots de politesse un jour, sisi).
Ni qu’il aime être seul
Ni qu’il traîne en slip partout
Ni qu’il refuse de faire un bisou
Ni qu’il refuse de mettre son manteau.
Je crois que vous avez pigé.
Pourtant, je suis pleine de rigidités sur tout un tas de domaines. MAIS pas du tout sur les enfants. Du tout.
Moi j’aime juste qu’on leur foute la paix au max, parce qu’on attend d’eux trop de choses, trop tôt.
Je me souviens, quand j’étais noyée entre les demandes dont je martelais mon fils, mon boulot, sa crèche et les explosions émotionnelles qu’il me faisait.
Je me souviens d’un mercredi après midi, mon fils a hurlé pendant plus de 3 heures. Presque non stop.
Mon homme est rentré en fin de journée, et je me suis écroulée dans mon lit. J’ai dormi jusqu’au lendemain midi. J’ai zappé le boulot.
J’étais à sec. Mon médecin m’a dit qu’il ne savait pas comment j’avais pu tenir jusqu’ici, avec si peu d’énergie, anémiée comme j’étais.
Quand j’ai lâché les attentes sociales qui ne me parlaient pas et qui sont, faut le dire, à côté de la plaque concernant le fonctionnement des enfants, j’ai retrouvé l’énergie qui s’était faite la malle. C’était pas magique (ça n’existe pas une solution magique, oubliez ça), mais c’était suffisant.
» Sans déconner, garde ton énergie pour des trucs qui t’apportent quelque chose de fort, et desserre les fesses sur ces conneries. Voilà ce que je me suis dis. »

J’ai arrêté d’insister, encore et encore, de me braquer sur un p*tain de détail, dont l’importance est toute relative (« on ne sort pas tant que tu n’as pas dis au revoir! » ou ce genre de trucs)
Sans déconner. Garde ton énergie pour des trucs qui t’apportent quelque chose de fort, et desserre les fesses sur ces conneries. Voilà ce que je me suis dis.
C’est ailleurs que ça se joue, le bien être de l’enfant, son inclusion sociale et son épanouissement personnel et collectif. J’ai investi mon énergie dans autre chose: ma relation avec lui et avec son frère qui nous a rejoint.
Aujourd’hui,je suis p*tain de fière du lien qu’on a, parce que je viens de sacrément loin et que mes gosses sont absolument géniaux. J’ai pas grandis dans une famille tendre et à l’écoute, pas du tout, j’ai appris la distance physique et émotionnelle, j’ai appris que la colère et la violence sont plus acceptables que la tendresse et l’amour.
En devenant maman, je n’avais aucun outil hérité de mon histoire pour m’aider à être proche de mes enfants. J’ai du fabriqué un truc, à partir de rien pour avoir, aujourd’hui, des liens les plus proches que j’ai jamais vu, avec mes enfants.
Je voulais aussi partager ce témoignage parce que c’est en voulant me rapprocher de mes enfants que j’ai pu retrouver de l’énergie. C’est en lâchant un paquet d’injonctions du type « posez leur un cadre et des limites » que j’ai pu me sentir plus légère au quotidien.
Mon fils ne veut pas mettre son manteau ? Ben, j’insiste pas, je lâche. Mon fils veut manger sur le carrelage ? Ben, je m’en cogne, il peut manger par terre. En réalité certains appelleraient ça du laxisme moi j’appelle ça du réalisme et du soin à soi. Je m’écoute moi et pas les attentes démesurées et hors de la réalité qui viennent des autres.
Aujourd’hui mes enfants ont 5 et 9 ans et notre lien est si fort que, maintenant qu’ils ont des capacités cognitives suffisantes, ils sont très souvent d’accord pour participer, m’aider, faire leur part, etc.
J’ai juste attendue. J’ai attendue que mes demandes soient réellement en adéquation avec leurs capacités et j’ai fait confiance à notre lien.
Je vais le redire encore: on attend des enfants trop de choses, trop tôt. Les plus impatients ne sont pas les enfants.
En vrai, c’est pas parfait, loin de là (non, ne vous imaginez pas la relation parfaite avec mes enfants) mais c’est vraiment cool ce qu’on vit. Franchement je pourrai dire que j’ai réussi un truc au moins dans ma vie.