Poser des limites à vos enfants va-t-il vous sauver la vie ?

Les mères seront-elles désaliénées et libérées par le simple fait de poser des limites à leurs enfants ?

Poser des limites, est-ce si facile que ça ?

Pourquoi nous crie-t-on partout de poser des limites à nos enfants mais on ne nous dit presque rien du reste de la population ?

Cet article va tenter de répondre à tout cela.
Vous retrouverez à la fin un résumé et les sources utilisées pour cet article.



Avez vous déjà été perdue dans les limites que vous deviez poser à votre entourage? Entre celles que l’on vous oblige à poser à vos enfants et celles qu’on ne vous conseille pas spécialement de mettre à vos parents ou beaux parents. N’y a t il pas un étrange paradoxe ? Pourquoi vous crie t on partout de poser des limites à vos enfants mais on ne vous dit presque rien du reste de la population ?

Mettez des limites aux enfants, sauvez des mères !

On aime prôner en éducation la nécessité de poser des limites aux enfants, on en fait même le pilier central dans beaucoup de discours, on le martèle, on le met à toutes les sauces, des plus infondées aux plus imposées. On le dit, on le crie, pour le bien des mères.

Mais, cette réduction de la femme à sa seule casquette de mère oublie une énorme majorité de sa vie de femme, d’humaine. On ne dit pas aux mères de poser des limites à leurs médecins, leurs partenaires, leur patrons ou encore aux institutions qui s’immiscent chez elles, dans les relations avec leurs enfants, ou à l’entourage qui dégueule de conseils.

On leur dit, mettez des limites à vos enfants, et tout ira bien.

Ca parait simple, ça parait incontournable. Mettez des limites, tenez les, et vous ne serez pas épuisée. Vos enfants finiront par s’y plier et tout est bien qui fini bien. Une mère désaliénée, des enfants disciplinés et vous retrouverez votre vie, presque comme avant ? Ca fait rêver, on y croirait ?

Non, bien sûr, non. Pourquoi ? Il y a deux raisons à cela :
– Parce que ça ne fonctionne pas aussi facilement que ça, nos enfants ne se laissent pas faire comme on le voudrait, aussi fort pourrait on essayer de vous faire croire le contraire!
– Parce que les relations humaines sont bien plus complexes qu’un lien unidirectionnel : adulte qui donne les directives + enfants qui doiventt les suivre sans les questionner.
– Parce que nous ne vivons pas qu’avec nos enfants. Nous ne côtoyons pas que des enfants que l’on peut faire obéir. On côtoie aussi d’autres adultes.

Mettez des limites à tout le monde

Moi je dis, mettez des limites à tout le monde. Tout ceux qui vous pressent, vous affaiblissent, vous rendent la vie plus lourde. Posez des limites oui, mais tout comme on demande à tout le monde un degré de tolérance supérieure pour les personnes avec des handicaps ou des difficultés particulières dont on a connaissance, attendez vous à plus d’incapacités à suivre des règles de la part des enfants. Nos attentes demandent une plus grande tolérance au vu de leurs incapacités.

J’aime le rappeler, mais les enfants en comparaison des autres catégories de la population ont des handicaps temporaires : physiques (avec une plus petite taille, une plus faible force et de moindres capacités motrices) mais aussi cognitifs (avec une incapacité à réguler leurs émotions, une incompréhension de la notion de temps, une impossibilité de se mettre à la place des autres et d’en déduire leurs pensées et leurs états émotionnels, et des difficultés à faire appel à leur raison). Il est donc incohérent d’en attendre plus des enfants que des adultes, et de leurs poser des limites qu’on ne pose parfois pas même à des adultes au cerveau potentiellement mature.

Posez des limites et soyez moins indulgents avec les adultes bien plus capables de prendre sur eux que vos enfants.
Exigez plus des adultes qui ont bien moins d’excuses que les enfants.

Si vous imposez vos limites à vos enfants mais qu’au travail votre patron vous malmène, pourquoi ?

Parce qu’il est plus simple d’imposer ses convenances sur une catégorie de la population plus faible que soi, on retrouve ce schéma en escalier, le grand patron pose ses limites aux petits managers qui pose des limites aux salariés qui posent des limites à leur femme qui pose des limites à ses enfants. et moins souvent en sens inverse. Et puis il y a le fait que l’on considère que nos enfants nous appartiennent et qu’on peut en faire ce qu’on veut, pour le meilleur et pour le pire.

Je me souviens d’une anecdote :

Des amis à nous venaient manger à la maison avec leurs deux enfants. La soirée s’est bien déroulée, mais la maman à passer la soirée à tenter de poser des limites à sa fille ainée. Elle lui disait de rendre les jouets qu’elle avait pris à mes enfants, de dire pardon, de venir s’assoir. Comme chaque fois, au lieu de servir la soirée, cela a plombé un peu l’ambiance. Mais ce n’était pas le plus important. Sa fille finissait par faire ce que sa mère lui demandait, elle a rendu le jouet, elle n’a pas dit « pardon », elle a bafouillé une onomatopée sans aucune émotion positive dedans qui devait servir de pardon, elle s’est assise et à manger 2 cuillères. La maman s’est sentie obéie, en tout cas, je crois que c’était ce qui comptait le plus, se sentir meneuse, savoir gérer le truc voyez. Se dire qu’on rempli bien l’attente sociale et que cela va servir notre image de parent bien comme il faut. Ne vous leurrez pas, on trouvera toujours un truc pourri à dire sur vous, même si vous jouer au parent qui suit les règles des attentes communes.

Mais j’en viens à la suite de l’anecdote. Cette amie travaillait comme assistante médicale. En fait, elle vivait des journées horribles. Sa patronne, une femme qui était dans l’entreprise depuis très longtemps passait ses journées à lui lancer des pics, des remarques et à lui demander des choses imprévues. En fait, mon amie se faisait écraser par des demandes irréalistes de sa patronne. Elle subissait un harcèlement morale. Elle attendait patiemment les week end, mais étrangement, elle n’envisageait pas de changer de travail. C’était assez étrange comme situation et pourtant complètement banal : on met des limites d’un côté et on se fait piétiner de l’autre.

Parce qu’il y a des limites plus faciles à mettre que d’autres. Faciles pas dans leur application mais faciles parce que ça nous effraie moins peut être ?

Peur de mettre des limites aux autres adultes ?

Poser des limites à un enfant c’est compliqué, ça demande de répéter beaucoup et longtemps, ça peut épuiser. Donc ça n’est pas simple, mais ça ne nous fait pas peur ou très peu. S’imposer face à un enfant ce n’est pas très effrayant, mais s’imposer face à un adulte, ça peut faire peur.

Peur parce que ça peut mettre en péril la relation: honnêtement, des fois, les relations entre adultes tiennent à pas grand chose. On est tous terriblement susceptibles et il suffit parfois d’un seul moment d1 minute pour détruire un lien. Si on tentait de mettre une limite à un ami, je pense qu’on serait bien embêté, on utiliserait vingt milles pincettes, on essaierait de trouver des tournures de phrases qui ne le vexerait pas, ne le culpabiliserait pas, honnêtement c’est délicat. C’est dur de se dire que juste demander à notre ami d’arrêter de débarquer à l’improviste c’est risquer de perdre son amitié parce qu’il le prendrait mal alors qu’on l’aime cet ami.

C’est pareil avec notre patron, on a souvent l’impression que c’est lui qui a le pouvoir et on a peur de se faire virer ou de se faire réprimander. Si on s’oppose à ce qu’il nous demande, on a peur de basculer dans une relation toxique ou encore plus toxique. Il y a aussi le syndrome de la bonne élève, surtout chez les femmes, cette posture qu’on nous a dès toute petite, qui nous pousse à suivre les règles pour être aimé. On a peur donc de mettre des limites à notre patron qui nous impose des heures supp’ ou qui nous donne des missions qui ne font pas partis de notre fiche de poste; On va peut être tenter de lui faire comprendre avec beaucoup d’hésitations et de douceur.

Cette peur du désaccord, de dire non, de s’opposer à ce que nous demande ou dit d’autres adultes a été étudié dans un grand nombre d’études. Une méta analyse de 18 études avec au total 625 participants semble démontrer qu’être en désaccord active les zones cérébrales impliquées dans le sentiment d’aversion et la sensation de faire une erreur. Quand on montre notre désaccord à quelqu’un, on peut sentir alors ce sentiment de faire une erreur, que c’est pas bien le désaccord. D’autres études suggèrent que dire oui, être d’accord avec les autres alors que cela va à l’encontre de nos intérêts activent les même zones que celles impliquées dans la dissonance cognitive, cette sensation de d’incohérence entre ce que l’on pense et ce que l’on fait ou dit. Tout cela suppose qu’être en désaccord avec un de nos pairs ou avec un groupe crée un sentiment fortement douloureux, plus encore chez les personnes qui ne savent pas dire non. (1)

On ne met aucune pincette avec nos enfants, ni avec les personnes avec qui on est très proches parce que la relation n’est pas aussi fragile.

Vous avez beaucoup moins à perdre à mettre des limites à vos enfants qu’à en mettre aux adultes autour de vous. Les risques sont moindres. Vous savez que vos enfants vont continuer à vous aimer, ils dépendent de vous, et cette dépendance passe par une relation forte, l’amour qu’ils ont pour vous. Souvent, les enfants doutent d’eux avant de douter de leurs parents.

Pourquoi cet acharnement à clamer que les limites sur nos enfants sont presque une question de survie maternelle, mais on ne retrouve pas cette ferveur quand il s’agit de mettre des limites aux autres adultes. Je précise que ce n’est que ma perception, il y a peut être des discours qui m’échappent dans lesquels on encourage les mères à mettre des limites fermes auprès d’autres adultes.

Il est évident que ce paradoxe repose sur quelque chose de simple : les enfants sont sous considérés, on en fait ce qu’on veut, il est assez intolérable de voir notre supériorité être remise en question par un enfant.

On baissera les yeux devant un adulte qui nous confronte dont on est le subordonné, alors qu’on sortira la force s’il s’agit d’un enfant.

On me dira alors que des enfants dépassent plus souvent les limites que les adultes : je questionnerais alors :
Est ce vrai ? ou est ce une impression ? Et si ça s’avère vrai, les raisons sont elles uniques ou peut on émettre plusieurs hypothèses ? comme : peut être dépassent ils plus les limites parce qu’ils ont plus de limites à dépasser ? peut être dépassent ils plus les limites parce qu’elles sont inadaptées à leurs capacités du moment ? ou peut être qu’ils dépassent plus les limites parce qu’ils ne sont pas encore suffisamment grands et qu’ils n’ont pas encore eu assez de temps pour intégrer les règles sociales ? Ou encore, peut être dépassent ils certaines limites parce qu’elles sont stupides, injustes ou illogiques ?

Je questionnerais également : doit on gérer tous les dépassements de limites de la même manière ? Est ce systématiquement mal de les dépasser ? N’y a t il pas un continuum sur l’incongruité des limites ? entre ne pas arracher les yeux de son frère et ne pas faire tomber une coquillette par terre ? Ne devrait on pas mesurer chaque cas ? Ne devrait on pas inclure tout autant nos voisins, nos parents, nos collègues dans ce continuum ? tout autant que nos enfants ? Mon voisin qui décharge sa terre sur mon terrain, ou ma collègue qui n’a pas répondu à mon bonjour ce matin , est ce que ça se gère de la même façon ? et si on remplace ma collègue par un enfant, est ce que ça mérite une réaction plus forte ? si oui, pourquoi ?

Résumé

  • Mettre des limites aux enfants n’est pas la panacée et n’est pas le Graal de la libération de la femme
  • Mettre des limites aux enfants est tout aussi pertinent qu’en mettre aux adultes
  • Mettre des limites aux autres adultes doit aussi être prôné et le fait d’être moins indulgents avec eux qu’avec les enfants car ces derniers sont moins compétents pour suivre des règles
  • Il est plus facile de mettre des limites aux enfants qu’aux adultes car c’est moins effrayant et que les adultes sont très susceptibles.
  • Il est essentiel de questionner chaque limite et chaque règle que l’on pense nécessaire auprès des enfants surtout si cela crée des difficultés

Vous en voulez plus ? Inscrivez vous dans le lien ci-dessous pour échanger encore plus sur la parentalité basée sur la science et le respect de l’enfant. Apprenez en toujours plus sur comment aider vos enfants à être heureux. Je vous aide grâce à une veille scientifique et mon regard critique, au service de vos intérêts et ceux de vos enfants.

GARDER CONTACT AVEC LA NEWS PARENTS EN OR


Sources

Comme tout discours, celui ci contient des éléments subjectifs, pour le reste, voici les sources des informations délivrées :

(1) Wu H, Luo Y, Feng C. Neural signatures of social conformity: A coordinate-based activation likelihood estimation meta-analysis of functional brain imaging studies. Neurosci Biobehav Rev. 2016;71:101-111. doi:10.1016/j.neubiorev.2016.08.038

D. Dominguez, F. Juan, S.A. Taing, P. Molengberghs : Why do some find it hard to disagree? An fMRI study Front. Hum. Neurosci., 9 (2016)