Si vous demandiez conseils à un ami parce que vous vivez mal vos journées au travail, que vous y allez à reculons, on vous conseillera sans doute de ne pas hésiter à quitter votre travail et d’en trouver un qui vous épanouisse. Avant même que vous ayez des symptômes plus graves comme des maux de ventre, des vomissements ou des crises d’angoisse.
Dans le cas d’un adulte, pas besoin d’aller si loin pour qu’on prenne votre problème au sérieux et qu’on vous conseille de déguerpir de votre boulot.
» On a qu’une vie, ta santé passe avant le travail. Te prends pas la tête pour un job. Travailler ça passe après le fait de se sentir bien ». L’important s’est de s’épanouir. » « Tu dois trouver un travail dans lequel tu t’épanouis ».
On est tous à peu près d’accord avec ça non?
Alors que s’il s’agissait de votre enfant qui va à l’école à reculons, les conseils seraient beaucoup moins radicaux même si vous dites que votre enfant développe un stress chronique avec des symptômes plus alarmants (vomissement, mal de ventre, problèmes de sommeil).
On aura plutôt tendance à vous conseiller des mesurettes, des petits actes à impacts légers qui ne bouleverseraient pas votre quotidien.
L’idée étant essentiellement de minimiser le problème en croisant les doigts pour que ça passe avec un petit coup de pouce. On préfèrera souvent attendre que la situation devienne réellement grave ou urgente avant d’agir.

Étrange cette différence de traitement non ?
D’où ça vient ?
Pourquoi on demande à nos enfants de supporter bien plus qu’on ne tolère pour des adultes ?
L’école régit la vie de tout le pays
Il y a beaucoup de choses qui se jouent là dessous. En voilà une :
L’entièreté de notre société tourne autour de l’institution de l’école : les commerces, les horaires, les vacances, la vie familiale, la vie professionnel, les tarifs, le calendrier, etc.
On investit tout l’équilibre du système sur le fait que nos enfants soient à l’école la majorité du temps pour rendre les adultes entièrement disponibles à d’autres tâches, essentiellement rémunérées et permettant de faire tourner la machine.
Faire peser autant sur une institution qui s’appuie sur des êtres sensibles comme des enfants, c’est à la fois sacrément culotté et sacrément risqué. Il fallait oser.
Le risque premier, celui qui se joue au quotidien dans les familles:
le jour où notre enfant ne veut ou ne peut pas aller à l’école, cela devient un périple. Notre quotidien est bouleversé, c’est la panique.
D’ailleurs la simple éventualité d’une déscolarisation nous est, d’emblée, inenvisageable, catastrophique, inconcevable.
Si notre enfant développe une phobie scolaire, on sait que l’on va devoir traverser une véritable épreuve. C’est tout l’équilibre qui demande à s’écrouler.
C’est un poids monstrueux que l’on fait porter sur les enfants:
« Surtout, allez à l’école pour que le monde tourne »
Parents : soyez au travail
Il est inconcevable pour nous d’imaginer un monde sans travail. En effet, il faut gagner de l’argent pour pouvoir l’échanger contre un logement et de la nourriture (et accessoirement, une connexion internet, un smartphone, un lave vaisselle, un coupe légumes et une lampe connectée).
Jusque là, on peut très difficilement échapper à cela (notez que certains y parviennent, en vivant en autonomie suffisante pour ne pas dépendre du système, mais les cas sont si rares qu’il est bien compliqué de les prendre en exemple).
L’image du travail est simple:
Tu mets un réveil, il sonne, tu te lèves, tu déposes tes enfants quelque part, tu te rends sur les lieux de ton travail et tu y restes plus de 8H d’affilé. Puis, tu repars, tu récupères tes enfants, tu rentres, tu fais de l’intendance, tu couches tes enfants le plus tôt possible, tu regardes un écran pendant 1h et tu te couches.
Recommence ça 5 jours par semaine, 47 semaines par an. Amuse toi 2 semaines par an en été puis réintègre ta roue.
Pourquoi tant de personnes suivent ce schéma sans jamais le questionner ?
Le travail c’est bon pour vous
Sachez le, et on vous le dit assez. Le travail c’est bon pour vous.
« Le travail c’est bon pour la santé ».

» Il y a bien des situations où le travail nous fait plus de mal que de bien, mais on gardera en tête que le monde nous veut au travail. «
Il est fort possible que le travail possède certains critères contribuant à une bonne santé. Le fait de sortir, d’avoir des interactions sociales, de bouger notre corps et potentiellement de nous sentir utile.
Si le travail dans lequel nous sommes regroupe tout ça de façon positive sans inconvénients qui annuleraient les bénéfices, alors oui, travailler peut contribuer à une meilleure santé physique et mentale que de ne pas travailler (mais tout dépend de ce que fait la personne qui ne travaille pas, reste t elle chez elle sans rien faire ou est elle active, ou encore si elle travaille de chez elle, est ce mieux ? moins pire? etc).
Mais l’important n’est pas là. En réalité, que le travail soit bon pour nous ou pas, le fait est qu’on le croit et qu’on ne le questionne pas. Cela crée alors un verrou dans nos vies, comme impossible à supprimer.
Il y a bien des situations où le travail nous fait plus de mal que de bien, mais on gardera en tête que le monde nous veut au travail.
Le travail est même devenu l’outil indispensable d’un grand nombre de courants féministes: pour que les femmes soient heureuses et servent la cause des femmes (leur cause personnelle on s’en tape), elles doivent être au travail. Toute autre responsabilité c’est de la m*rde.
Comprenez bien, c’est un classement simple: être une femme active c’est être une femme qui fait ce qu’il faut et qui n’est pas soumise. Être une femme au foyer c’est être soumise et ne pas faire ce qu’il faut.
Choisissez votre camp.
L’effet est alors général, tout le monde suit le mouvement et va dans la même direction : je dois travailler, coûte que coûte.
Le travail c’est le seul moyen de payer vos factures
C’est incontestable, pour vivre ici il nous faut de l’argent pour l’échanger contre ce qui nous permet de vivre. Un toit, de la nourriture et de quoi entretenir notre hygiène et notre santé. Mais pas seulement. Aujourd’hui, une vie décente dans un pays riche ce n’est pas que ça. C’est avoir de nouveaux vêtements à chaque rentrée, une connexion internet, des écrans et des appareils ménagers. Sans tout ça, tu seras probablement considéré comme pauvre.
Mais ça ne s’arrête pas là. Sinon, nous n’aurions pas l’idée qu’il faut deux revenus par famille pour vivre décemment. Si on s’arrêtait là, notre consommation serait relativement modeste et un salaire pourrait être suffisant.
» L’effet est si fort qu’il verrouille presque toute possibilité de faire autrement surtout pour ceux qui se trouve en dessous de toutes les pressions et sur qui tout repose : les enfants «

Non, il vous faut plus. Économiser pour des vacances aux bords de plage bondés, acheter une maison, acheter tout ce que la pression de l’école et des copains poussent vos enfants à vous demander, acheter des bouteilles d’alcool (beaucoup), acheter deux voitures puisque deux parents vont au travail et surtout, préparer sa retraite. Et donc, travailler pour gagner de l’argent pour rembourser tout ce que vous dépensez grâce au travail.
Je ne dis rien de bien original ici ? Ce qui est fascinant, et c’est le message de cet article c’est la puissance colossale de l’effet de masse. Le groupe se comporte différemment des individus qui le composent. C’est une entité à part entière, comme un corps composé de cellules où les cellules n’ont pas conscience qu’elles servent les objectifs du corps et pas les leurs.
L’effet est si fort qu’il verrouille presque toute possibilité de faire autrement surtout pour ceux qui se trouve en dessous de toutes les pressions et sur qui tout repose : les enfants.
Le message est clair: adultes, soyez au travail, en salariat de préférence, et en dehors de votre domicile.
Cela implique alors de devoir caser nos enfants quelque part…
L’école c’est bon pour vos enfants
Les hommes ont déserté le foyer depuis bien longtemps, les femmes le désertent aussi à leur tour. Les parents désertent donc le foyer et laissent les enfants derrière. Qui s’en occupe du coup?
Ne cherchez pas, ne réfléchissez pas, vous le savez déjà. Vos enfants seront casés chez une nounou/crèche puis dans le mainstream de l’école. C’est déjà tout trouvé!
Cela devient obligatoire, incontournable, vos enfants doivent être à l’école. Pas le choix, vous, vous êtes au travail, personne n’est à la maison. Il va falloir motiver vos enfants tous les jours (every-single-fucking-day) à s’y rendre.
Le plus simple ce serait que l’école ce soit bien et que ce soit obligatoire, comme ça, personne n’aurait à hésiter le matin en se laissant la possibilité de ne pas y aller. Non non, chers enfants, l’école c’est super bien et en plus vous n’avez pas le choix car nous même n’en avons pas.

Que pensent les gens atour de vous de l’école ?
A cette réponse, il y a deux niveaux:
La réponse clamée à voix haute et celle que l’on garde en silence, surtout s’il y a des enfants dans la pièce.
La première est de cette ordre:
L’école c’est génial, franchement c’est super bien, on se fait des copains, on apprend pleins de choses et puis on ferait quoi sinon franchement ? Heureusement que ça existe, ça permet de se sociabiliser, de s’instruire et de s’épanouir. C’est là bas qu’on se fait des souvenirs et des copains!
Dans cette idée, il y a du vrai, mais les arguments ne tiennent pas. Dire que dans un contexte on se fait des amis et on apprend, c’est bien joli, mais cela ne dit rien sur les autres contextes dans lesquels on pourrait tout aussi bien se faire des amis et apprendre sans qu’aucune école ne soit impliquée.
Comme j’aime le dire, les absents sont présents ailleurs, et si un enfant est absent de l’école c’est qu’il est présent quelque part d’autres, en train, comme tous les autres enfants, de se créer des souvenirs.
On fait passer l’école pour un indispensable,une obligation, un passage obligé pour devenir un humain correct. S’il faut imposer un truc aussi balèze à nos enfants, alors vaut mieux le faire passer pour quelque chose de bien. On en vient à dire des trucs du genre:
« Mais si, c’est super bien l’école, tu vas te faire des copains, c’est génial »
Ces gens ont ils des souvenirs de l’école ? Ils en ont ressorti que c’était le pays de l’arc en ciel ?
Ah bon ?
Non, en réalité, on veut tenter d’induire chez l’enfant un sentiment positif vis à vis de cette institution.
Ça fonctionne à votre avis ?
Parce que la deuxième réponse, celle qu’on ne dit pas trop fort à nos enfants c’est que la grande majorité des gens n’ont pas aimé l’école, pour mille raisons différentes dont une en lien avec une violence subis parfois quotidiennement pour des tas d’entre nous et, surtout, parce qu’on s’y est presque tous ennuyés comme des rats morts, soyons honnêtes.
L’école c’est le seul moyen pour que vos enfants aient un travail (et la boucle est bouclée)
De toute manière, même si l’école c’est pas facile tous les jours (ça tombe mal, il faut y aller tous les jours quasiment) c’est le seul moyen pour s’instruire et avoir un travail décent plus tard. Entendez bien, l’école c’est forcément plus bénéfique que néfaste, vous n’avez pas le choix, rappelez vous.
Le concept de l’école est formidable (vraiment): apporter à un maximum de personnes un lieu et du matériel pour apprendre, s’instruire et se former. Honnêtement c’est assez sympa comme idée. Mais se pose la question de son application concrète et de la balance bénéfices/risques pour chaque individu qui s’y rend, mais n’allons pas plus loin sur ce sujet, revenons à son implication sociétale.
Vous le savez et sans doute que vous le dites déjà à vos jeunes enfants:
« Il faut bien que tu apprennes! » « L’école ça sert à trouver un bon travail après » « T’es obligé d’y aller pour avoir des diplômes ».
Encore ici que ce soit vrai ou pas, l’effet est le même: nous sommes tous certains, sans même le questionner, que l’école est la seule et unique façon d’apprendre et d’avoir, par la suite un bon travail. Convaincus, nous allons alors l’imposer à nos enfants.
Dans ces pressions pyramidales ou les enfants sont à la base, celle que l’on subit pour produire de l’argent pèse sur celles des enfants. Il y a alors beaucoup moins de marge de manœuvres pour les enfants qui vont à l’école et qui le vivraient mal, que pour les adultes qui vont au travail et qui le vivent mal.
Les enfants ont beaucoup moins le choix, ils sont plus susceptibles de souffrir et de subir l’école sans véritable solution alors qu’ils sont plus vulnérables que nous.
On a pas le choix, nous devons travailler, caser nos enfants quelque part pendant ce temps et les former à travailler comme nous ensuite.
Tout s’emboite parfaitement, le système fonctionne. No problemo. Vraiment? Si un système fonctionne cela veut-il dire qu’il est forcément bon ?
Dans un prochain article, on verra quelles solutions s’offrent réellement à nous lorsque notre enfant vit mal le fait d’aller à l’école malgré les discussions entre nous et la maitresse.